La place du français dans l'enseignement supérieur au Québec
Chercheurs
Alexandre Beaupré-Lavallée (Université de Montréal), Olivier Bégin-Caouette (Université de Montréal), Sylvain Marois (Université Laval), Cathia Papi (Université TELUQ) et Marie A. Thériault (Université de Montréal)
Présentation du projet
La place du français comme langue d’enseignement et langue de communication scientifique est soumise à une pression soutenue face à la montée en puissance de l’anglais au sein des échanges académiques. Cet enjeu est particulièrement saillant aux cycles supérieurs universitaires, dans le domaine de la recherche, mais également dans le secteur de la formation technique. Nous sommes conscients des dynamiques à l’œuvre, et bien qu’elles dépassent notre strict cadre national, il demeure important d’exercer une vigilance soutenue par rapport aux activités qui se déroulent dans les cégeps et dans les universités du Québec. En s'appuyant sur une analyse des politiques, un questionnaire en ligne et des entrevues, l’objectif de ce projet de recherche est de brosser un portrait de l’emploi et de la place relative du français en recherche et en enseignement, tant dans les collèges que dans les universités.
En portant une attention particulière aux réalités des chargées et chargés de cours et professeurs à l’université, des enseignantes et enseignants de collèges et de cégeps ainsi qu’aux personnels des centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT) et professionnelles et professionnels de recherche des centres et groupes de recherche universitaires, le projet vise à répondre aux trois questions de recherche suivantes :
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Comment les modes de publication/référencement influencent-ils la production et la diffusion des connaissances de même que l’offre de matériel didactique en français?
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Comment les politiques institutionnelles actuellement en vigueur dans les établissements influencent-elles la production et la diffusion des connaissances de même que l’offre de matériel didactique en français?
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Quels sont les facteurs facilitants et contraignants la production et la diffusion des connaissances de même que l’offre de matériel didactique en français?
Afin de répondre aux trois questions de recherche, l’équipe s’appuiera sur une analyse de cinq corpus de données. Tout d’abord, afin de répondre à la première question de recherche, l’équipe procédera à une recension systématique de la documentation grise et de la documentation savante. Cette étude permettra de brosser un bref portrait historique et statistique de la montée puis de la dominance de l’anglais 1) dans la publication de résultats de recherche et 2) dans l’offre de matériel didactique en enseignement universitaire. Ce portrait comportera un volet sur les grands éditeurs privés, le référencement informatique et les principes du management et la mode des métriques et de la pression pour la publication de résultats inscrits dans des palmarès, etc.
Par la suite, afin de répondre à la deuxième question de recherche, l’équipe procédera à une analyse de documents institutionnels de certains établissements collégiaux et universitaires. À partir du cadre de Deniger pour l’analyse des politiques, nous réaliserons un portrait des Politiques linguistiques des établissements universitaires et des Politiques de la langue française des cégeps francophones. Ces politiques balisent l’utilisation de la langue française (et, par ricochet, de l’anglais) dans divers aspects de l’enseignement, comme la langue du matériel pédagogique ou la langue d’enseignement, et, dans certains cas, de la recherche.
Cette analyse des politiques sera complétée par une analyse d’un échantillon de plans de cours qui seraient transmis par des enseignantes et enseignants de collèges et de cégeps de même que par des chargées et chargés de cours d’une université. La synthèse de ces documents institutionnels permettra de nourrir l’analyse explicative du phénomène de l’anglicisation de l’enseignement et de la recherche, et de l’utilisation du français dans le même contexte, tout en ouvrant la porte à une perspective syndicale de remise en question des modalités de contrôle du travail enseignant. Il importe notamment de creuser la question de l’autonomie professionnelle et de la liberté académique pour les personnes chargées de cours, face au véritable choix des ouvrages en français (le choix, l’offre, la disponibilité, le budget, etc.).
Afin de répondre à la troisième question de recherche, nous procéderons à une enquête de terrain qui s’appuiera sur des méthodes mixtes. Suivant un protocole explicatif (Creswell et Plano Clark, 2018), nous procéderons d’abord à la distribution d’une version adaptée du questionnaire préalablement validé dans le cadre de l’étude de l’ACFAS (2021) sur l’utilisation du français en enseignement supérieur en milieu minoritaire. Ce questionnaire en ligne (anonyme) sera distribué, par l’entremise de la CSQ, à l’ensemble des personnels professionnel de recherche, enseignant et chargé de cours que ses syndicats affiliés représentent. Ce questionnaire permettra d’estimer la proportion des ouvrages en français utilisés dans les cours et la proportion des productions savantes rédigées dans la même langue. En outre, une analyse factorielle exploratoire suivie d’une analyse de variance permettront d’identifier les catégories d’obstacles les plus importants à l’utilisation du français en enseignement et en recherche. À la fin du questionnaire, les personnes répondantes qui souhaiteraient participer à une entrevue semi-structurée (de 60 minutes) pourront fournir leurs coordonnées et seront, par la suite, contactées afin que soit menée cette entrevue, virtuellement. Une analyse de récits de pratique permettra de mieux comprendre les facteurs qui facilitent et qui contraignent l’utilisation du français, tant en enseignement qu’en recherche et tant au collégial qu’à l’université.
Financement
Subvention de recherche de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), elle même financée par une subvention du Secrétariat à la promotion et à la valorisation de la langue française (2022-2023)